Traduction en français de l’interview d’Amber Glenn lors de son interview avec le média russe Sport-Express.

Elle revient sur ses émotions après sa victoire au Grand Prix en France, ses difficultés sportives à 25 ans, avec notamment des défis concernant le triple axel et la santé mentale. Elle évoque également les difficultés de financement pour ses activités sportives.

Q : Amber, une victoire bien méritée. Que ressentez-vous ?

Amber Glenn : Oh, je suis tellement heureuse d’avoir gagné ! Je suis ravie d’avoir réussi à me concentrer et à remporter le programme court, d’avoir été mentalement et physiquement prête !

Q : Les USA ont une longue tradition en patinage artistique, notamment en simple féminin, mais actuellement, il n’y a pas de leader clair parmi les femmes. Vous considérez-vous comme l’une d’elles ?

Amber Glenn : Je pense que la compétition s’intensifie aux Etats-Unis. Cette année, les championnats nationaux verront la participation de quatre championnes nationales, ainsi que Sarah Everhardt, qui montre aussi de bons résultats et peut prétendre au titre. Cela fait cinq candidates au titre. Oui, il n’y a pas de leader clair, mais la compétition est ce qui fait avancer le sport, et je suis heureuse d’en faire partie.

Q : Il y a une leader claire dans le patinage mondial féminin, Kaori Sakamoto, triple championne du monde. Vous considérez-vous comme sa rivale ?

Amber Glenn : C’est un grand honneur pour moi de concourir avec elle, car, comme moi, elle a plus de 20 ans et connait un grand succès. C’est inspirant de voir comment elle domine ce sport avec tant de force et de grâce. Je sais qu’avec mon contenu technique, je peux rivaliser avec elle.

Mais j’ai beaucoup de travail à faire en matière de présentation, de techniques de patinage et d’impression générale. Quand elle arrive sur la glace, il y a une force à laquelle j’aspire vraiment. Cela me donne confiance et me motive à m’entraîner mieux notamment pour être moins nerveuse pendant les compétitions.

Q : Les systèmes de patinage artistique diffèrent d’un pays à l’autre. En Russie et en Chine, l’État joue un rôle important dans le financement des athlètes. Aux États-Unis, c’est différent. Comment avez-vous navigué sur ce chemin, et avez-vous dû travailler pour continuer le patinage ?

Amber Glenn : Oui, le patinage artistique est extrêmement coûteux. Quand j’ai commencé ce sport, mes parents n’avaient pas réalisé que cela serait si cher. Ma mère était femme au foyer et mon père travaillait beaucoup. J’ai longtemps patiné avec des patins et des lames d’occasion, mes entraîneurs me faisaient des réductions…

J’ai beaucoup de chance que mes parents aient fait tout leur possible pour m’aider. Quand j’ai grandi et que je suis entrée dans l’équipe des États-Unis, j’ai commencé à recevoir un peu de financement. Et l’équipe nationale couvre tous les frais pour les compétitions internationales. Cela a été un énorme soulagement pour ma famille.

Puis, j’ai commencé à donner des cours pour acheter mes robes, payer mes cours, etc. J’ai aussi eu beaucoup de chance avec les réseaux sociaux ; au fil des années, j’ai réussi à gagner un peu d’argent. Cela a été particulièrement utile pendant la pandémie.

Tout cela, combiné à de bons sponsors, m’a permis de concourir. Cela m’a permis de me concentrer uniquement sur l’entraînement et de viser des places de plus en plus élevées dans les compétitions nationales. Plus je pouvais investir dans de bons costumes, plus je pouvais gagner de points. De plus, les primes de victoire aident. (Rires)

Aux États-Unis, le sport est vraiment organisé séparément de l’État. Ce serait bien de recevoir des subventions publiques…

Q : C’est un véritable parcours. Il y a une autre approche — de très jeunes filles gagnent tout, souvent avec des quadruples, et celles qui sont les plus fortes à 15 ans gagnent tout et quittent vite le circuit. Vous, comme Elizaveta Tuktamysheva, réussissez après 20 ans, avec des triples axels, montrant un style différent. Selon vous, quelle approche l’ISU devrait-elle encourager davantage ?

Amber Glenn : C’est vraiment intéressant, car j’ai grandi à une époque où on nous poussait à réussir le plus tôt possible. J’étais très pressée, mais j’étais jeune et… je me suis un peu effondrée. C’était dur mentalement et physiquement : vous changez, des changements hormonaux surviennent et changent tout en vous. Et tout cela se passe devant des milliers de personnes sous une pression immense.

Dans une majorité de sport comme le baseball, le football ou le football américain, on ne voit pas de jeunes de 15 ans jouer au plus haut niveau. Beaucoup de patineurs de la génération précédente ont quitté le patinage artistique. Ils passent à autre chose, trouvent un travail ordinaire et ne veulent plus rien à voir avec le patinage artistique car cela a tout détruit pour eux. Je pense que donner plus de temps pour grandir, profiter d’être junior, et prendre soin de soi avant de passer à l’élite, aiderait de nombreuses personnes à simplement maintenir leur carrière aussi longtemps que possible, à être heureuses et en bonne santé tout au long de leur parcours.

Q : Vous promouvez la sensibilisation à la santé mentale et parlez ouvertement de vos problèmes. En Russie, l’approche semble différente, la critique envers Simone Biles en est un exemple.

Amber Glenn : Ne pas pouvoir parler ouvertement de ses problèmes isole. Avec une telle approche, on est convaincu qu’il n’y a pas d’espoir, pas d’avenir, et on peut sombrer dans une profonde dépression.
On n’a plus envie d’exister quand on se persuade que toute notre valeur repose sur une seule chose ; si on ne peut plus l’accomplir, on se sent alors inutile. Mais ce n’est pas vrai, notre valeur ne repose pas seulement dans ce sport.

Les jeunes patineurs se concentrent sur une seule chose, c’est tout ou rien. Il est très difficile de comprendre qu’il y a des priorités au-delà de ses objectifs sportifs. Votre santé mentale vous accompagnera toujours, et que vous n’avez qu’un seul corps. Ne le détruisez pas dans votre adolescence juste pour des résultats immédiats !

Q : Vous avez commencé à apprendre le triple axel après 20 ans. Est-ce lié au sujet précédent ?

Amber Glenn : C’est un objectif que je me suis fixé. Quand j’avais environ 13 ans, la seule fille qui faisait le triple axel était Mao Asada. Personne d’autre ne le faisait, les filles gagnaient avec une combinaison 3-3. Alors je me suis un peu contenté des 3-3.

Puis est venue la « révolution russe des quadruples » quand j’avais environ 16-17 ans. Cela m’a vraiment découragée. Je me disais : « pourquoi continuer à patiner ? Je ne pourrais jamais rivaliser avec elles, elles sont plus jeunes, plus fines, plus légères, elles tournent plus vite, se fatiguent moins vite du fait de leur jeune âge…« 

Mais quand le Covid est arrivé et que je ne pouvais plus patiner sur la glace, je me suis dit : ‘Allez, je vais essayer, voir si je peux !Je voulais au moins essayé ! Et c’est ainsi que j’ai appris le triple axel.

Q : Comment cela s’est-il passé ? Combien de temps vous a-t-il fallu pour l’intégrer dans votre programme ?

Amber Glenn : L’apprentissage a pris quelques mois. J’ai commencé par un mois d’entraînement hors glace. Ensuite, environ deux mois sur la glace pour travailler dessus. Ensuite, je l’ai fait à l’entraînement. Mais il a fallu encore un bon moment pour l’ajouter à mes programmes en compétition.

C’était la première fois depuis mes 11 ans, lorsque j’avais sauté un triple lutz, que j’exécutais un nouveau saut en compétition !

Q : Je ne peux m’empêcher de vous demander votre opinion sur la suspension des Russes. Je comprends que c’est politique, mais pouvez-vous partager ce que vous en pensez ? Certains jeunes athlètes en Russie s’inquiètent de savoir s’ils doivent même continuer.

Amber Glenn : Oui, c’est politique. Je ne peux pas imaginer à quel point c’est dur, surtout pour les jeunes athlètes qui ne comprennent pas entièrement la situation. Mais je pense qu’en Russie, le patinage artistique et le sport en général sont fortement liés à l’État. N’oublions pas qu’en raison du conflit qui a commencé pendant la trêve olympique, beaucoup de gens souffrent réellement, leurs vies ont changé de façon significative, beaucoup ne sont plus en vie.

Alors oui, ce qui se passe n’est pas la faute des patineurs russes, je compatis avec ces athlètes qui font tant d’efforts mais sont limités dans leurs possibilités. Et je voudrais leur souhaiter de garder leur amour pour notre sport ! J’espère que dans le futur, une solution sera trouvée.

Rédigé par

Delph Toltsky

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