Double champion olympique et véritable légende du patinage artistique, Yuzuru Hanyu incarne les paradoxes du haut niveau : briller en public, mais se construire dans l’ombre.

Son parcours, éclatant vu de l’extérieur, cache un récit bien plus complexe, jalonné de doutes, de blessures et de résilience. Dans un documentaire diffusé sur NumberTV, Hanyu se confie : « J’ai touché le fond d’innombrables fois. »

Des débuts loin d’être triomphants

Contrairement à l’image d’un surdoué qui aurait survolé les premières étapes de sa carrière, Yuzuru Hanyu a connu des débuts hésitants.

« Je n’étais pas quelqu’un qui gagnait dès le départ. Je me souviens avoir eu beaucoup de mal à remporter mes premières compétitions », confie-t-il.

Il faut attendre ses 9 ans pour voir une première percée significative : en octobre 2004, il s’impose aux Championnats du Japon novices. Deux mois plus tard, il s’impose en Finlande lors de sa première compétition internationale. Une dynamique qui sera pourtant vite freinée.

La fermeture de la patinoire de Sendai, son lieu d’entraînement principal, bouleverse son quotidien. Changement de club, nouvel entraîneur, longs trajets, réduction du temps et de l’intensité d’entraînement : les conditions ne sont plus réunies pour progresser sereinement.

« À l’époque, je peinais à exécuter un double axel tandis que d’autres enfants maîtrisaient les triples. Je me sentais largué. »

Un tournant crucial

Son salut viendra du redémarrage de la patinoire de Sendai. Il retrouve un environnement propice à l’entraînement et commence à travailler avec un nouvel entraîneur, lui-même ancien élève de son tout premier mentor. Cette période marque une transformation dans sa façon d’aborder le patinage.

« Les fondamentaux que j’avais appris dans mon enfance sont revenus à moi et ont trouvé un sens. Il ne suffit pas de travailler dur, il faut une méthode qui nous corresponde. »

La douleur invisible des blessures

Le second « bas-fond » de sa carrière est lié aux blessures.

« Quand on est blessé, non seulement on ne peut pas s’entraîner, mais le corps se dégrade, les douleurs s’intensifient. Certaines blessures me faisaient reculer plus que me ramener à zéro. »

Il évoque notamment la grave entorse des ligaments latéraux de la cheville droite, survenue lors de l’entraînement officiel du Trophée NHK en novembre 2017, à seulement trois mois des Jeux de Pyeongchang.

« C’était voir tout ce que j’avais construit s’effondrer sous mes yeux. »

Incapable de s’entraîner sur la glace, Hanyu met alors toute son énergie dans la rééducation.

« J’ai dû m’adapter, inventer de nouvelles façons de prendre soin de moi, de me renforcer. Mais c’était très dur. Mon corps perdait en force, je voyais les autres patineurs progresser, et je n’éprouvais que de la peur. »

Malgré tout, il revient sur la glace début 2018. Jeux Olympiques en ligne de mire, Yuzuru Hanyu continue à se battre malgré une condition physique loin d’être optimale.

« Peut-être que les épreuves traversées après le séisme du Tōhoku m’ont donné une plus grande capacité à endurer. »

Ce mental d’acier l’amènera à conquérir deux titres olympiques consécutifs, un exploit rarissime dans le patinage moderne.

Rédigé par

Delphine Demenois Toltsky

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Mon site est consacré au patinage artistique, mais il va bien au-delà de la simple performance sportive.
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